​Genèse

Une enfance plutôt triste pour Gabrielle

Travail, âpreté, rigueur, extravagance, indépendance. Voilà 5 mots qui résument parfaitement la personnalité de Coco Chanel (1883-1971). La famille Chanel est originaire au départ d’un petit village cévenol nommé Ponteils. Les aïeux Chanel étaient des paysans, plutôt pauvres et élevés dans le protestantisme. La famille connut l’exode rural et atterrit à Nîmes dans les années 1850.

Née hors mariage, à Saumur, d’Albert, camelot originaire de Nîmes, et de Jeanne, couturière, Gabrielle, bientôt nommée Coco, connaît une enfance plutôt triste, elle se mure dans la solitude et se sent mal-aimée de son père. Pourtant elle l’admirait énormément. A l’âge de 12 ans, elle perd sa mère. Selon certaines sources, son père serait parti faire fortune aux Etats-Unis, laissant derrière lui ses cinq enfants. Toujours est-il que Gabrielle est placée en orphelinat – on ne sait pas trop où – puis devient apprentie couturière à ses 18 ans et s’en va à Moulins. A cette époque, elle se voit mal confectionner des draps et de la layette toute sa vie. 

Dès 1907, Gabrielle, éprise de chansons, s’essaie comme chanteuse au music hall de Vichy. Elle y chante « Qui qu’a vu Coco sur le Trocadéro ? » C’est ainsi qu’elle hérite de son surnom. Ensuite, mettant à profit son apprentissage du maniement du fil et de l’aiguille et de l’initiation prodiguée par Lucienne Rabaté, célèbre modiste du moment, elle se confectionne de petits chapeaux originaux qu’elle pose très bas sur son front. C’est le début d’une grande aventure… Coco ouvre successivement plusieurs maisons de couture, lance une gamme de parfums et devient une égérie de la mode à la française mondialement reconnue.

Devise (je suis différent donc je suis)

Coco, éternelle marginale

Artiste dans l’âme, Coco se fait remarquer tout au long de sa carrière par son style différent. Elle cherche toujours le décalage et fait preuve d’une grande créativité. Pendant la guerre elle se présente tantôt écolière en tenue sage noire et blanche, tantôt en garçonne portant polo, cardigan, jodhpurs et pantalons. Ensuite elle invente la marinière, confectionné en un jersey utilisé à l’époque uniquement pour les sous-vêtements masculins. Elle casse les codes, jouant de façon provocatrice avec le masculin et le féminin ! En 1926, elle crée la célèbre petite robe noire, une couleur jusqu’alors exclusivement réservée au deuil ! Elle est l’une des premières à lancer la mode des cheveux courts. 

Elle innove en devenant la première couturière à lancer sa gamme de parfums en 1921, avec le fameux n°5. Plus profondément, elle veut inventer un nouveau style, une nouvelle allure, une nouvelle façon d’être soi pour les femmes de son époque.

Coco confesse que : « Pour être irremplaçable, vous devez toujours être différent. » Toute sa vie, elle fréquente assidument le monde des artistes et s’acoquine avec des personnages célèbres. On ne compte pas le nombre d’amants qu’elle connut. Mais cela ne l’empêche pas de déclarer : « Les femmes sont frivoles, alors que je suis légère, mais frivole jamais. » Encore différente sur ce point, jamais où on l’attend !  D’ailleurs, « la liberté de Gabrielle consistait à être différente. Ni famille, ni mari, ni enfant, pas de mort à pleurer, rien ne la forçait à quitter Paris. (…) Aussi rien ne lui avait été offert sinon un rôle, toujours le même, celui d’amante secrète, d’éternelle marginale…» écrit à son sujet Edmonde Charles-Roux dans L’Irrégulière ou mon itinéraire Coco Chanel.

Orientation (sens du beau et singularité des êtres)

L’originalité comme horizon

Son orientation est clairement la beauté. Il suffit pour s’en convaincre de regarder la courte vidéo Gabrielle ou la passion (réf. ci-dessous). Elle cherche à saisir le beau partout, dans une Eglise, un bouquet de fleur ou un regard. Elle vit la beauté comme une impérieuse nécessité. Elle a été attirée tout au long de sa vie par l’art, fascinée par le geste d’une main qui crée. « Gabrielle était plus qu’une autre sensible aux mystères du style. Elle en subissait l’envoûtement. » Elle s’est ainsi essayée en plus de son métier, au théâtre, au piano, au chant, à la danse… et bien sûr au sport équestre, quoi de plus noble ?

Quand elle en parle c’est souvent en des termes paradoxaux : « Les gens du métier ne sont pas faits pour penser à l’excentricité [ndlr : sous entendu, ça c’est mon job], mais bien au contraire, pour remédier à ce qu’elle peut avoir d’exagéré. J’aime mieux le trop comme-il-faut. Il faut cultiver les moyennes ; une femme trop belle fait de la peine aux autres et une trop laide attriste le sexe fort. » Elle renchérit : « Si je construisais des avions, je commencerais par en faire un trop beau. On peut toujours supprimer ensuite. En partant de ce qui est beau, on peut ensuite descendre au simple, au pratique, au bon marché. » 

On voit poindre deux aspects : son originalité (personne ne dit quelque chose de cet ordre là !) et également son côté mercantile de business woman. Gabrielle est une rebelle. Tous les pores de son être respirent la révolte, même le son de sa voix rauque et criarde. « Son geste créateur était un geste de subversion. Elle refusait l’oppression du cérémonial ! » note Edmonde Charles Roux.

Compulsion (banalité, laideur)

De l’original, pas de copie !

« Singularité et anticonformisme font partie de l’ADN de Coco Chanel » Coco par toute sa vie fuyait la laideur et la banalité. Elle dit : « Le luxe, ce n’est pas le contraire de la pauvreté mais celui de la vulgarité. »

Elle parle avec force de ce qui la préoccupe : « Une fois découverte, une invention est faite pour être perdue dans l’anonyme. Je ne saurais exploiter toutes mes idées et ce m’est une grande joie que de les trouver réalisées par autrui, parfois plus heureusement que par moi-même. Et c’est pourquoi je me suis toujours séparée de mes confrères, pendant des années, sur ce qui pour eux est un grand drame, et ce qui pour moi n’existe pas : la copie. »

Être mise au rang d’un quidam lui est insupportable.

Mécanisme de défense (introjection du négatif)

Noir c’est noir : tout est foutu en France !

Marquée tôt par la séparation, avec la perte de sa mère, Coco a ruminé contre son père tout en l’admirant. Elle a fréquenté assidûment de sombres ressentis. « Elle souffre de blessures intimes jamais cicatrisées que masque mal sa réputation de femme de fer ne montrant pas son désespoir » précise Mme Charles-Roux.

Elle développe un tropisme pour le négatif et peut s’avérer franchement pessimiste : « Qu’une toilette cherche à s’égaler à un beau corps de statue ou à souligner une héroïne sublime, c’est parfait, mais cela ne justifie pas le couturier à penser, à se dire, à s’habiller, à poser à l’artiste… en attendant d’échouer en artiste. » Mais pourquoi échouerait- il ? 

Plus tard, Coco dira des choses comme « La mode, c’est quelque chose au bord du suicide » — cité par Jacques Laurent dans Le Nu vêtu et dévêtu.

Son génie créatif procède de sa grande sensibilité et de son insatisfaction chronique. Elle a eu une inclinaison marquée pour le noir, aussi bien dans ses oeuvres (e.g. le design du N°5)  que pour sa chambre.

Vers la fin de sa carrière, elle s’esclaffe : « la France est foutue, tout est foutu en France… de St Tropez ne sort que de la saloperie. » Dans la même veine, elle, qui avait si peur de s’ennuyer, déclare : « mourir est la seule chose qui peut m’arriver de passionnant. »

Triade infernale (Envie, insatisfaction, demandes de valorisations/dévalorisations)

« Je ne suis jamais contente de moi »

Edmonde Charles-Roux montre également combien Coco a été tout au long de son existence, une marginale, une « irrégulière ». Elle dit d’elle-même : « Je ne suis jamais contente de moi ; pourquoi le serais-je d’autrui ? » En 1913, lorsqu’elle réalise qu’Arthur Capel ne l’épousera jamais, Coco se résigne à ne pas connaître le grand amour dont elle rêvait. Son amertume ne fit que grandir à partir de ce moment là. « iI ne lui restait donc qu’à tolérer l’intolérable, se contenter d’un amour imparfait et accepter, une fois de plus, une de ces situations en marge (Ndlr) comme elle en avait toujours connu. » Edmonde souligne aussi les accès de jalousie de Coco envers ceux qui semblaient heureux en amour. Coco a accumulé tout au long de sa vie sentimentale amertume et rancune.

A la fois elle a une haute image d’elle même et de sa mission : « J’avais l’âge de ce siècle nouveau : c’est donc à moi qu’il s’adressa pour son expression vestimentaire. » Elle cherche à être reconnue par l‘élite qu’elle soit parisienne, anglaise, politique, business ou artistique… peu importe. Se sentir proche des élites est un gage de valeur que Gabrielle a toujours affectionné. 

L’envie est très présente chez Gabrielle. Dans l’entre-deux guerres, lorsqu’une italienne nommée Schiaparelli commence à faire parler d’elle dans le milieu de la mode, Coco rage de jalousie. Plus tard, ce sera pareil avec l’émergence des Dior et autres Givenchy… De même, lors des grèves de 36, alors qu’on lui parle des Etats-Unis, elle réagit avec force : « Laissez-moi tranquille avec vos USA ! Ce ne sont pas ces gens-là qui nous apprendront quoi que ce soit, et en tout cas pas en matière d’élégance. »

Quand Coco va mal, elle est très tourmentée. On peut expliquer ainsi qu’un proche déclare à son sujet, alors qu’elle a été accusée de racisme et de collaboration pendant la guerre : « c’était une égocentrique qui n’avait aucune empathie pour le genre humain, qui méprisait les Allemands autant que les résistants et de Gaulle. » 

Avec les événements de mai 1968, la vague hippie change la donne de la mode. Chanel  déteste cette jeunesse en minijupe ou en blue-jean, elle crache sur le féminisme. Elle affirme que les modes ne sont bonnes que lorsqu’elles descendent dans la rue, et pas quand elles en viennent. De la jalousie peut-être ? 

Sèche et acariâtre, c’est à cette époque qu’elle se mure dans la solitude. Elle devient même tyrannique. Charles-Roux écrit : « Jamais Chanel n’aima avouer que son art de vivre était fait de recettes empruntées à Sert. La violence qu’elle apportait à le nier la dénonçait. À 80 ans passés, l’âge où sa rage d’imposture s’était développée jusqu’au délire. » 

Trio vertueux (Contentement, espérance, originalité, états d’âmes réels des gens)

De vrais moments de bonheur mais éphémères

Du trio vertueux au-delà de son œuvre, on a peu de traces. Elle déclarera « Il faut se méfier de l’originalité : en couture, on tombe aussitôt dans le déguisement et en décoration, on verse dans le décor. […] de même que dans la mode, on commence généralement par la chose trop belle, pour arriver au simple. »

Coco a connu des moments de bonheur, notamment lorsqu’elle était aimée d’un homme. Ce fut le cas successivement avec Etienne Balsan puis avec le capitaine anglais Arthur Capel surnommé Boy, avec le grand-duc russe Dimitri, avec Pierre Reverdy etc. Mais cela ne dure jamais très longtemps. Lorsqu’elle va bien Coco est non seulement créative et épanouie, mais aussi dynamique, entreprenante, déterminée. 

Hiérarchie des centres (EIM)

« Une femme qui n’est pas aimée est une femme perdue. » 

Coco voit la femme comme un être vulnérable, très fragile. L’émotionnel prime chez Coco, elle reconnaît par exemple que « Si j’avais été intelligente j’étais perdue ; mon incompréhension, mon désir de ne pas écouter, mes œillères, mon entêtement, ont été les vraies causes de mon succès. » Elle n’écoutait que son ressenti personnel. Quitte à s’entêter. Elle était aussi très nostalgique de son passé. « Chacune de ses collections était comme un retour solitaire, un long voyage inavoué dans les arcanes de son passé… ce passé dont elle ne parle jamais » écrit Mme Charles-Roux.

Ainsi en 1939, alors à la tête d’une entreprise de 4 000 ouvrières qui fournissent 28 000 commandes par an, elle présente une collection « bleu-blanc-rouge » patriote ; dans la foulée elle ferme subitement sa maison de couture et licencie l’intégralité du personnel, les mettant toutes à la porte. Cette annonce de la guerre donne à Chanel l’opportunité de représailles envers ses ouvrières qui, revendiquant de meilleurs salaires et conditions de travail, avaient osé arrêter le travail lors des grèves de 1936. Son côté instinctif se manifeste ici ainsi qu’une partie de sa désintégration en DEUX. Elle dit d’ailleurs de façon provocatrice que « La mode n’est pas un art, c’est un métier. Que l’art se serve de la mode, c’est assez pour la gloire de la mode. »

Le côté instinctif se voit aisément. Ce pourrait être d’ailleurs une source d’hésitation tant elle fait penser par moment au profil HUIT. « Je suis le seul cratère d’Auvergne qui ne soit pas éteint. »

Au fil de sa vie, elle s’isola de plus en plus. Elle mourut un dimanche, le 10 janvier 1971, seule, avec à son chevet une de ses domestiques.

Libérée par le travail

Au-delà de l’ascenseur social que fut le travail pour Gabrielle, elle était une passionnée, une bosseuse, dure, exigeante, qui travaillait pour fuir l’ennui. Elle avait un côté binaire dans sa façon d’aimer : « Je ne fais jamais les choses à moitié, j’aime ou je n’aime pas. » Par ailleurs, elle affirmait que « Rien ne repose comme de travailler, et rien n’épuise plus que l’oisiveté. » 

Cela parle aussi de son intégration. En effet, sa vision de la beauté est proche de celle du UN, avec en plus une touche émotionnelle (peu présente chez le 1µ) : « La tenue esthétique n’est jamais que la traduction extérieure d’une honnêteté morale, d’une authenticité des sentiments. » Rappelons que lorsque Gabrielle se sentait bien elle devenait créative, productive et entreprenante. C’est lors de son idylle avec Dimitri , en 1920, qu’elle créa son plus gros succès, le fameux n°5 !

Avec une hiérarchie des centres Emotionnel Instinctif Mental (EIM), l’hypothèse 4µ semble solide.

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